Coupe du Monde : les stades sont-ils propres ?

Écrit par : Antoine Blanchet
Licence : cc by-NC-SA
Publié le : 24/10/22

À entendre

Une illustration d'un ballon de football dessiné, duquel coule du pétrole.
Alain Le Quernec | Argentine : les stades sont-ils propres ?, 1978 - Collection contemporaine

Jeux Olympiques, coupe du monde de football… Ces grands tournois, qui génèrent un réel enthousiasme sportif, font également l'objet de nombreuses critiques : gouffres économiques, impact environnemental, vitrine politique pour des régimes autoritaires… Dans l'exposition Face au mur présentée en 2021 au Musée de Bretagne, une affiche d'Alain Le Quernec de 1978 s'élevait contre l'accueil de la Coupe du monde de football par l'Argentine en 1978. Cette œuvre trouve un nouvel écho alors que s'ouvre dans les prochains jours la Coupe du monde au Qatar.

Nous sommes en 1978 : sur les terrains, c'est l'époque des Bleus de Rocheteau et Platini. Des joueurs d'exceptions participent à cette compétition, comme Mario Kempes - qui sera sacré meilleur buteur de la compétition – ou Teofilo Cubillas, qui marqua un coup-franc magistral face à l'Ecosse.

Mais c'est surtout le terrain politique qui marqua cette édition, par son climat délétère. L'Argentine est en effet dirigée par Jorge Rafael Videla, auteur d'un coup d'état militaire en 1976.  Le dictateur est connu pour sa brutalité et pour la répression impitoyable mise en œuvre contre les opposants politiques. Cette répression reçoit même un nom : la guerre sale, et sera responsable de la disparition de 30 000 personnes.

Il faut se rappeler également que dans les années 1970, les pays de l'Amérique du sud semblent sombrer les uns après les autres dans la dictature militaire et la répression. En 1973, Pinochet, après son coup d'état contre Salvador Allende, n'avait pas hésité à utiliser l'"Estadio nacional" (le stade national, situé à Santiago) comme un gigantesque centre détention et de torture camp de prisonniers politiques.

Dans ce contexte général, la participation à la coupe du monde de football en Argentine est vivement discutée. En France, de nombreuses voix s'élèvent pour appeler au boycott : des footballeurs (Dominique Rocheteau), des politiques et des intellectuels (Marek Halter, Aragon…) mais aussi des citoyens engagés. C'est ainsi qu'un collectif engagé de Douarnenez, rejoignant ce mouvement de protestation, commande une production à Alain Le Quernec. L'affichiste breton nous racontait cette histoire, à l'occasion de l'exposition Face au mur, le graphisme engagé (2021) :

Argentine, les stades sont-ils propres ?

Une illustration d'un ballon de football dessiné, duquel coule du pétrole.

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En 2022, coupe du monde en Qatar

La coupe du Monde de football 2022, qui s'ouvrira dans les prochains jours au Qatar fait elle aussi  l'objet de nombreuses controverses : chantiers colossaux, coûts écologiques, droits des femmes et des LGBT+, soupçon de corruption dans les conditions d'attributions… surtout, ce sont le traitement et les conditions de travail des ouvriers qui font scandale. Les médias vont même jusqu'à évoquer une "hécatombe" parmi les ouvriers : "les études des ONG de défense des droits de l’homme et de l’OIT incitent à penser que les victimes se comptent par centaines, voire par milliers" résumait le Monde. L'ONG Human Right Watch a ainsi réalisé des enquêtes montrant les multiples abus subis par les travailleurs migrants. Comme en 1976, les appels au boycott de la compétition se multiplient.

 

Dès 2021, le graphiste Sébastien Marchal s'inspirait de l'œuvre iconique d'Alain Le Quernec pour dénoncer cette Coupe du monde au Qatar.

Une illustration d'un ballon de football dessiné, duquel coule du pétrole avec le texte "Qatar 2022"
Qatar 2022 | Sébastien Marchal, TDR

Plus de 40 après sa création, l'affiche d'Alain Quernec est toujours aussi puissante. Le travail de modernisation entrepris par Sébastien Marchal souligne la force évocatrice de l'œuvre originale, à la fois simple et marquante, caractéristique des œuvres de l'affichiste breton. Au-delà de la forme, c'est le message qui interpelle et une certaine lassitude qui nous envahit. Plus de 40 après, l'interrogation reste, hélas, pertinente : les stades sont-ils propres ?

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