Que se passe-t-il après la mort ? Dans le cadre de l'exposition « Mourir, quelle histoire », présentée aux Champs Libres et à l’Abbaye de Daoulas, cette question a été posée à des enfants de maternelle et des personnes âgées. Deux publics a priori opposés dans leur expérience de vie, mais dont les visions et les imaginaires se rejoignent parfois.
Pour le Mag, Chloé Gwinner, journaliste revient sur la démarche de collecte qu'elle a conduite.
La mission qui m’a été confiée pour cette partie de l’exposition consistait à amener deux groupes d’interlocuteur·trice·s à imaginer l’au-delà face caméra. Un travail documentaire classique, à ceci près que les premiers, âgés de cinq ans seulement, n’avait pas conscience de la finitude de l’existence, et que pour les secondes, résidentes en EHPAD ou aidantes familiales, la question se faisait douloureusement plus pressante. Entre le risque de traumatiser les un·e·s et faire pleurer les autres, le terrain m’apparut soudain dangereusement miné.
Avec les élèves de maternelles, ma stratégie fut donc d’aborder le sujet sans forcer une prise de conscience précoce de la mort, mais d’explorer les imaginaires autour de cette question plus qu’abstraite. En parler sans la définir, mais s’autoriser à dire tout ce qu’on ne sait pas. À travers une série de trois ateliers, j’ai donc accompagné les élèves dans leurs échanges, comme un mini café-philo sur des chaises enfants.
Pour accompagner cette exploration collective, je me suis appuyée sur trois ouvrages (voir encadré en fin d'article) qui, sans jamais expliquer ce qu’est la mort, ouvrent des voies à l’imaginaire sur ce qu’est l’après. Ainsi, les enfants ont d’abord été invités à imaginer ensemble, par la discussion et le dessin, puis en entretiens individuels, face caméra.
Force est de constater que, sans être nécessairement croyants, l’enfer et le paradis restent des références culturelles très présentes chez les enfants, mais les anges ont disparu au profit des licornes et des petits chats tout doux, et les démons ont été remplacés par des enfants méchants qui ne prêtent jamais leurs jouets.
Il s’avère qu’on « monte » encore souvent au ciel et c’est pourquoi on trouve partout dans les dessins de nuages de très pratiques échelles et escaliers.
Parfois on y retrouve des proches ou nos fidèles compagnons à quatre pattes. Parfois aussi, on y revit nos meilleurs moments. Et c’est pour ça qu’on aperçoit une promenade en famille à la cathédrale de Rouen. Certaines œuvres picturales mériteraient une explication de texte…
Avec les personnes âgées, l’enjeu était tout autre. Il s’agissait de lever un tabou. Mais celui-ci n’était pas là où je pensais. La mort, on pouvait en parler. Surtout si la mort, c’est la fin de la vie, et qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à en dire. Par contre, l’« après » relève beaucoup plus de l’intime. Partager des croyances auxquelles on s’autorise à peine à croire soi-même. Avoir peur de passer pour folle si on s’attache à l’idée de réincarnation ou d’esprit parce qu’après tout ça nous rassure.
Il a donc fallu établir un climat de confiance, propice à la confidence et l’écoute, par des ateliers d’échanges et d’écriture.
J’ai été étonnée de constater que les croyances religieuses autour de la mort semblent s’effriter plus l’échéance approche, au profit d’un scepticisme plus philosophique, et ce même pour les intervenantes ayant vécu, selon elles, « dans la foi » toute leur existence. Finalement, au pied du mur, il semble que l’image de Dieu se floute, au profit de tout un panel d’options bien plus séduisantes que le jugement dernier.
Plus tendance, on optera ainsi plutôt pour une idée de cycle de vie, de « recyclage », diront certaines, une forme de réincarnation végétale ou en une ombre qui veille sur les vivant·e·s.
Il s’avère qu’on « monte » encore souvent au ciel et c’est pourquoi on trouve partout dans les dessins de nuages de très pratiques échelles et escaliers.
Parfois on y retrouve des proches ou nos fidèles compagnons à quatre pattes. Parfois aussi, on y revit nos meilleurs moments. Et c’est pour ça qu’on aperçoit une promenade en famille à la cathédrale de Rouen. Certaines œuvres picturales mériteraient une explication de texte…
Avec les personnes âgées, l’enjeu était tout autre. Il s’agissait de lever un tabou. Mais celui-ci n’était pas là où je pensais. La mort, on pouvait en parler. Surtout si la mort, c’est la fin de la vie, et qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à en dire. Par contre, l’« après » relève beaucoup plus de l’intime. Partager des croyances auxquelles on s’autorise à peine à croire soi-même. Avoir peur de passer pour folle si on s’attache à l’idée de réincarnation ou d’esprit parce qu’après tout ça nous rassure.
Il a donc fallu établir un climat de confiance, propice à la confidence et l’écoute, par des ateliers d’échanges et d’écriture.
J’ai été étonnée de constater que les croyances religieuses autour de la mort semblent s’effriter plus l’échéance approche, au profit d’un scepticisme plus philosophique, et ce même pour les intervenantes ayant vécu, selon elles, « dans la foi » toute leur existence. Finalement, au pied du mur, il semble que l’image de Dieu se floute, au profit de tout un panel d’options bien plus séduisantes que le jugement dernier.
Plus tendance, on optera ainsi plutôt pour une idée de cycle de vie, de « recyclage », diront certaines, une forme de réincarnation végétale ou en une ombre qui veille sur les vivant·e·s.
On notera néanmoins que, comme chez les plus jeunes, l’iconographie chrétienne a laissé des traces, et souvent c’est au ciel que ça se passe. Mourir serait définitivement s’élever. Reste à savoir vers quoi. Le hasard a voulu que l’une des intervenantes ait par le passé eu une expérience de mort imminente et qu’une autre ait passé des années à collecter des témoignages sur le sujet de patients sur leur lit d’hôpital. Ces expériences ont abondamment nourri nos échanges. Et ce que j’en retiens c’est l’état de plénitude qui ressort de ces témoignages. Il semble que le passage de l’autre côté ressemble à un shoot d’endorphine, une idée que je me suis personnellement empressée d’adopter tant elle m’est apparue réconfortante. J’ai aussi été frappée par la grande sérénité qui émanait des participantes sur le sujet.
"Moi, qui jusque-là avais réussi à soigneusement éviter de me plonger dans cette question abyssale, de peur de m’y noyer d’angoisse, je suis personnellement ressortie de nos échanges étrangement apaisée".
Les vidéos réalisées à partir de ces entretiens et des dessins des enfants seront visibles à l’entrée de la future exposition Mourir, quelle histoire ! qui se tiendra à l’Abbaye de Daoulas du 2 juin au 3 décembre 2023, puis aux Champs Libres du 16 mars au 21 septembre 2024.