Le manuscrit de Locmaria, un nouveau trésor à la Bibliothèque des Champs Libres

Écrit par : Sarah Toulouse, conservatrice responsable des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque des Champs Libres

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Publié le : 13/03/25

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Manuscrit de Locmaria de Quimper. Le manuscrit, en vélin, mesure 21 x 13 cm et abrite un commentaire de l’Évangile de Marc de Bède le Vénérable (v. 672-735), célèbre moine anglo-saxon de l’abbaye de Jarrow.
Le manuscrit de Locmaria de Quimper. Photographe Alain Amet Licence CC-BY-SA Manuscrit de Locmaria de Quimper. Le manuscrit, en vélin, mesure 21 x 13 cm et abrite un commentaire de l’Évangile de Marc de Bède le Vénérable (v. 672-735), célèbre moine anglo-saxon de l’abbaye de Jarrow.

Le 11 juin 2024, la Bibliothèque des Champs Libres a acheté un manuscrit du 11e siècle lors d’une vente aux enchères à Londres. Grâce à la mobilisation du ministère de la Culture, des collectivités bretonnes et de plusieurs chercheurs, ce document exceptionnel revient en Bretagne près de 1000 ans après sa naissance. Pour le Mag, Sarah Toulouse, conservatrice à la Bibliothèque des Champs Libres, revient sur les enjeux de cette acquisition.

Une occasion à ne pas manquer

Les manuscrits bretons du Haut Moyen-Age sont une espèce rare… surtout en Bretagne ! Les recherches les plus récentes en recensent 224 pour la période allant de 750 à 1250, dont 5 seulement sont conservés dans leur région d’origine. Lorsque Christie’s a annoncé la mise en vente en juin 2024 d’un manuscrit du 11e siècle provenant de l’abbaye de Locmaria de Quimper, cela a donc forcément retenu notre attention. Comment ne pas essayer de faire revenir en Bretagne un tel trésor, alors que les occasions sont si rares ? La dernière fois qu’une bibliothèque bretonne a pu s’enrichir d’un manuscrit aussi ancien, c’était en 1834. Et depuis 30 ans, un seul autre manuscrit breton du Haut Moyen Age a été proposé sur le marché si étroit du manuscrit médiéval.

Une aventure collective

Pour nous lancer dans une telle aventure, il nous fallait de l’aide. Avec l’appui des chercheurs du CRBC de Brest et du directeur de la médiathèque de Quimper, nous avons pu recueillir des subventions assez importantes pour pouvoir participer à la vente. Le ministère de la Culture a été le principal financeur de l’opération : son soutien a été essentiel. Les aides du département du Finistère, de la Région Bretagne, de la ville de Quimper et de Quimper Bretagne occidentale ont également été décisives pour permettre à Rennes Métropole de remporter les enchères. Si le manuscrit est désormais conservé à la Bibliothèque des Champs Libres, c’est grâce à la mobilisation généreuse de l’ensemble des partenaires.

Manuscrit de Locmaria de Quimper. Le manuscrit, en vélin, mesure 21 x 13 cm et abrite un commentaire de l’Évangile de Marc de Bède le Vénérable (v. 672-735), célèbre moine anglo-saxon de l’abbaye de Jarrow
Le manuscrit de Locmaria de Quimper. Photographe : Alain Amet - Licence CC-BY-SA Manuscrit de Locmaria de Quimper. Le manuscrit, en vélin, mesure 21 x 13 cm et abrite un commentaire de l’Évangile de Marc de Bède le Vénérable (v. 672-735), célèbre moine anglo-saxon de l’abbaye de Jarrow

Un manuscrit érudit dans l’air de son temps

Le manuscrit contient un texte de Bède le Vénérable, un moine anglais né vers 672 et mort en 735. Cet écrivain prolifique est particulièrement à la mode dans les bibliothèques monastiques aux 11e et 12e siècles, notamment pour ses livres d’exégèse, c’est-à-dire de commentaires sur la Bible. Dans notre manuscrit, daté de la fin du 11e siècle d’après le style de son écriture, on trouve le commentaire sur l’évangile selon saint Marc, l’un des textes de Bède qui circule le plus au Moyen Age : on en conserve encore aujourd’hui au moins 95 copies de diverses époques.

Une provenance bretonne avérée

C’est une mention à l’encre rouge sur le dernier feuillet du manuscrit qui a mis les chercheurs sur la piste de sa provenance. Une main a tracé quelques mots peu de temps après la copie du texte, sans doute au début du 12e siècle : Liber Sancte Marie Sancti Loci. Associée à divers indices dans la fabrication du manuscrit lui-même (parchemin, forme des lettres, orthographe), cette expression latine désigne l’abbaye de Locmaria de Quimper, un couvent de femmes fondé au début du 11e siècle.

De nombreuses questions sans réponse à ce jour

Au-delà de ces premiers éléments, il reste encore beaucoup à découvrir sur ce manuscrit. On ignore par exemple le lieu de sa fabrication : a-t-il été copié à Landévennec, un monastère proche de Locmaria qui abritait un scriptorium ? Aurait-il pu être copié à Locmaria même ?

On ne connaît aucun autre livre provenant de l’abbaye de Locmaria, et on ne sait pas s’il y avait une bibliothèque importante dans ce couvent. On ne sait par ailleurs que peu de choses sur les bibliothèques des couvents de femmes au Moyen Age.

On ne connaît pas non plus l’histoire de ce manuscrit entre le 12e et le 20e siècle : à quel moment a-t-il quitté l’abbaye de Locmaria, et quel a été son parcours ?

Les chercheurs vont désormais pouvoir étudier de près le manuscrit de Locmaria pour tenter de mieux comprendre son histoire et répondre peut-être à quelques-unes de ces questions.

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