M. Poignonec, illustratice jeunesse : "Quand on dessine des livres pour les enfants, on ne souhaite que leur bonheur et leur épanouissement".

Comment avez-vous choisi la thématique de la fête ?

J’ai été contactée par la Bibliothèque des Champs Libres pour participer à ce projet en juin 2024, juste après le résultat des élections européennes et pendant les élections législatives. Les résultats électoraux me faisaient peur : je ne pouvais pas ignorer l’impact que ces résultats ont eu chez les citoyen·nes visé·es par des politiques discriminantes et racistes.

Quand on dessine des livres pour les enfants, on ne souhaite que leur bonheur, leur épanouissement et leur liberté. Il n'y a rien de pire que de les savoir évoluer dans ce climat, une société austère, conservatrice et qui invite à la haine de l’autre.

J’ai donc voulu dessiner la fête, le « vivre ensemble », mettre en avant le « nous », que tout le monde, enfants qui marchent, enfants à vélo, enfants en fauteuil, enfants en trottinette géante, animaux et insectes, dansent, s’amusent, dans une nature foisonnante et respectée.

Quelle a été votre démarche artistique pour ce projet ?

Pour cette installation, je me suis sentie très libre. J’ai pu imaginer un univers presque fantastique avec des couleurs très douces, des animaux qui n’existent pas (ce que je préfère dessiner), des déguisements complètement fous, des accessoires rigolos, des perspectives inexistantes, des grosses étoiles dans le ciel…

J’ai découpé les images, comme sur un story-board, en racontant une histoire avec plein de personnages qui se rejoignent pour faire la fête.

Justement, vous avez plus l'habitude de travailler sur des livres. Or, nous vous avons sollicité pour une exposition participative. Comment avez-vous abordé ce changement de format ?

Pour être honnête, avant de commencer, j’ai pensé que c’était un projet tout à fait inédit, qu’après 10 ans d’illustrations jeunesse, je sortais vraiment de ma zone de confort.

Et finalement, c’était comme créer les illustrations d’un livre ! Outre le texte inexistant, j’ai pensé les images comme je pense les illustrations d’un récit, les vitres de la bibliothèque, était les doubles pages d’un livre, les demi-vitres : des pages simples.

Le travail d’exposition participative était tout nouveau.  Cela m’a permis de penser une plus grande notion de partage, car le travail ne va pas simplement être regardé ; Des enfants vont se l’approprier et y mettre leur patte.

Comment vous êtes-vous approprié l'espace Chez les enfants ?

J'y suis retourné plusieurs fois ! Ce que j’ai aimé, ce sont les nombreux recoins… Ils ont beaucoup titillé mon imagination, mais malheureusement, je n'ai pas pu appliquer toutes mes idées ! Sinon, la bibliothèque aurait été sans dessus-dessous, à cause de moi !!

Dès que j’ai éliminé ces idées les plus farfelues et inconcevables, je me suis focalisée sur le possible et le réalisable : réutiliser des dessins de la vitrophanie extérieure, ce qui permet aux personnages de la fête, d’être aussi à l’intérieur de la bibliothèque. Ce qui est génial dans la bibliothèque, ce sont ces câbles au plafond, et l’escalier, qui donnent envie de suspendre plein de guirlandes et de petites étoiles.

Votre style a-t-il évolué au cours de vos 10 ans de carrière ?

En 10 années de carrière, il y a eu une nette évolution dans mon travail. Comme je suis une éternelle insatisfaite, je suis constamment en quête d’un changement de technique, d’aquarelle, de pinceau, de stylo, d’encre, de plume, de papier… Tout est toujours prétexte à changer quelque chose dans mon quotidien d’illustratrice sinon je ne serais jamais contente de ce que je fais.