William Kentridge ou la conquête (sonore) de l'espace

Écrit par : Antoine Blanchet, Olivier Le Du et Dewi Seignard

Licence : CC BY-NC-SA

Publié le : 14/09/22

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Une photographie de William Kentridge de trois-quart dos, occupé à travailler devant plusieurs écrans.
William Kentridge, Alain Amet CC-BY-SA Une photographie de William Kentridge de trois-quart dos, occupé à travailler devant plusieurs écrans.

Entretien réalisé à l'occasion de la présentation de l’œuvre William Kentridge More Sweetly Play the Dance aux Champs Libres, dans le cadre de l'exposition Pas sommeil, la fête dans tous ses états (du 11 juin au 18 septembre 2022) portée par Les Champs Libres avec le Musée des Beaux-arts de Rennes et le Frac Bretagne.

Une photographie de William Kentridge de trois-quart dos, occupé à travailler devant plusieurs écrans.
William Kentridge, Alain Amet CC-BY-SA Une photographie de William Kentridge de trois-quart dos, occupé à travailler devant plusieurs écrans.

Cette installation de William Kentridge, c'est fou. J'avais envie d'être toute seule dans la salle pour vivre l'expérience en solo et participer à la parade !


          — Céline, spectatrice, à la sortie de la salle Anita Conti dans laquelle se trouve l'installation

 

Cette parade, c'est celle imaginée par le sud-africain William Kentridge, dans son œuvre More sweetly play the dance : sur 6 écrans installés les uns à la suite des autres, un cortège s'élance au rythme d'une musique étrange, à la fois festive et lancinante. Projetée sous les yeux des spectateurs, cette parade hétéroclite convoque une fanfare, des danseurs, des mineurs, des objets animés, des politiciens… On décèle aussi des ombres et des mystères, autant de fantômes du passé lourd et tourmenté de l'Afrique du Sud. Ce spectacle troublant interroge le visiteur, qui se retrouve immergé dans une déambulation surréaliste en grandeur nature.

L'environnement sonore donne le rythme et de la couleur à l'œuvre, et renforce le sentiment d'immersion en venant envelopper le visiteur : la batterie accompagne les danseurs, tandis que surgit brièvement devant lui le son d'un accordéon, qui réapparait ensuite un peu plus loin… C'est tout l'espace sonore qui est occupé, donnant encore plus de vie et de relief à l'œuvre.

Une photographie de groupe de l'équipe sonore qui pose dans l'installation de William Kentridge.
L'équipe sonore des Champs Libres, Alain Amet, CC-BY-SA. Une photographie de groupe de l'équipe sonore qui pose dans l'installation de William Kentridge.

"Il y a 20 sources sonores différentes pour cette pièce", détaille Olivier Le Du, responsable audiovisuel et numérique des Champs Libres. "Cela signifie qu'on n'est pas seulement sur une image stéréo gauche-droite, mais sur un son complètement spatialisé : à gauche, à droite, devant, derrière, au-dessus du spectateur ; ainsi qu'avec des nuances : à distance, plus près… Il y a vraiment une spatialisation du son, qui créer du relief et qui offre des conditions d'écoute extraordinaire " explique Olivier avec enthousiasme.

Derrière tout cela, c'est un gros travail qui a été mené : initialement, la musique était diffusée via des pavillons montés sur des tripodes et 6 enceintes supplémentaires. Pour cette nouvelle présentation aux Champs Libres, toutefois, c'est une nouvelle expérience qui est proposée au public avec un environnement sonore entièrement revu.

L'équipe sonore des Champs Libres en cours d'installation de la structure. Une personne règle un vidéoprojecteur.
En cours d'installation, Alain Amet, CC-BY-SA L'équipe sonore des Champs Libres en cours d'installation de la structure. Une personne règle un vidéoprojecteur.

Nous avons accueilli aux Champs Libres le designer sonore de William Kentridge.

Depuis plusieurs années, l'Auditorium des Champs Libres est doté du système HOLOPHONIX, développé par la société Amadeus, qui permet des rendus sonores spatialisés. "Quand nous avons commencé à réfléchir à l'accueil de l'œuvre More Sweetly Play the Dance, nous avons senti la pertinence de recourir à ce système. Nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier des dernières innovations de la société Amadeus, qui développe une version plus légère du système, adaptée à ce type d'exposition", témoigne Dewi Seignard, régisseur général de l'Auditorium des Champs Libres.

Persuadés de la plus-value du dispositif sonore, Les Champs Libres soumettent alors l'idée aux équipes de William Kentridge, qui se montrent rapidement enthousiasmées par les possibilités ouvertes par cette technologie.

Une série de panneaux lestés par des sacs de sable.
L'envers du décor, Alain Amet, CC-BY-SA Une série de panneaux lestés par des sacs de sable.

Le passage à un son spatialisé a demandé une forte mobilisation des équipes, qui ont dû reprendre le travail de mixage audio à partir des enregistrements originaux.  "Gavan Eckhart, l'ingénieur du son de l’œuvre, est venu passer une semaine aux Champs Libres pour caler le dispositif avec nous" indique Dewi. Au-delà d'un l'exercice technique exigeant - car il s'agit de réaliser un mix "orienté objets" - l'enjeu artistique est de taille au regard de l'importance que joue l'audio dans l'installation.

"Le système nous permet de caler parfaitement le son avec l'avancée de la procession. C'est ce que nous aurions pu faire, mais dans le propos artistique la corrélation entre les deux n'est pas automatique" rappelle Dewi Seignard. Il faut respecter le propos, l'évolution de la parade, s'adapter aux mouvements qui ne sont pas tout à fait linéaires, conserver un équilibre entre les différentes sources… Bref, un équilibre délicat à trouver, qui a occupé les équipes des Champs Libres et Gavan Eckhart durant plusieurs jours.

Quatre télécommandes numérotées posées sur une chaise.
Outils sonores, Alain Amet, CC-BY-SA Quatre télécommandes numérotées posées sur une chaise.

Il a fallu trouver des solutions en 3 dimensions, exploiter l'espace de manière très précise. Gavan a été très satisfait du résultat final. Il nous a plusieurs fois répété "magic !"


          — Dewi Seignard, régisseur général de l'auditorium des Champs Libres

Cette collaboration réussie, à mi-chemin entre art et technique, constitue une véritable version améliorée de l'œuvre de William Kentridge, qui pourra continuer à être présentée sous cette forme dans d'autres lieux équipés du dispositif. 

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