Yann Peucat : "Un photographe, c'est un caméléon"

Écrit par : Antoine Blanchet

Licence : CC BY-NC-SA

Publié le : 05/06/23

À lire

Une photographie en noir et blanc de deux sardinières qui transportent un panier à sardines.
Miniature les Sardinières – CCBYSA – Yann Peucat Une photographie en noir et blanc de deux sardinières qui transportent un panier à sardines.

Les photographies décalées de Yann Peucat viennent d'intégrer le parcours permanent du Musée de Bretagne. À 48 ans, toujours les pieds dans l'eau et l'œil dans l'objectif, le rennais ne se lasse jamais de jouer avec les images, sous toutes leurs formes.

Une photographie en noir et blanc de deux sardinières qui transportent un panier à sardines. Sur les bords de l'image, des sardines ont été ajoutées par Yann Peucat.
Les Sardinières – CCBYSA – Yann Peucat Une photographie en noir et blanc de deux sardinières qui transportent un panier à sardines. Sur les bords de l'image, des sardines ont été ajoutées par Yann Peucat.

Comment êtes-vous devenu photographe ?

Yann Peucat : Un peu par hasard. Mais quand j'avais 10-11 ans, j'étais déjà passionné ! Je faisais des photos de photos qui me plaisaient dans des magazines : plutôt que de les découper, je les retirais et je les agrandissais ; ensuite, je les rangeais dans un classeur. Je ne savais pas trop pourquoi je faisais ça ! C'était comme une sorte de passe-temps de collectionneur.
La thématique des magazines que je photographiais avait toujours un lien à la Bretagne : c'était quasiment tout le temps des vagues. Et tous les ans, l'été, je passais deux mois les pieds dans l'eau à Houât à pêcher, surfer. On dormait dans les dunes...

 

Et vos premières photos ?

YP : On m'a offert un appareil, et j'ai commencé à en faire de plus en plus, pour mon plaisir.
Puis, un jour, j'ai rencontré une personne qui en utilisait aussi un, mais très ancien, qui s'appelle une chambre photographique : c'est un grand négatif, où l'on peut voir apparaître l'image, ça m'a complètement scotché. Ça a rendu la chose concrète pour moi ! Je me suis dit, "Je veux faire ça. Je veux comprendre comment ça marche". À partir de là, j'ai décidé de me former.

 

Quelle est la première rencontre qui marque votre parcours ?  

YP : J'ai d'abord rencontré celui que je considère comme mon maitre, Thierry Pasquet. Portraitiste rennais, il travaillait pour Libé, Le Monde, Télérama. À l'époque, on faisait de la photo argentique, et tout photographe avait besoin d'un assistant. Je l'ai suivi pendant 3 ans : on a sillonné la France. C'est comme ça que j'ai mis le pied dans la photographie, pour de vrai. 

 

Aujourd'hui, à quels types de commandes répondez-vous ?

YP : C'est large : ça va des magazines gratuits comme Kostar, au journal Le Monde. J'ai reçu des commandes qui m'ont permis de voyager, et de faire des supers reportages ; je travaille aussi pour des institutions culturelles... Le spectre est large, mais au final, je fais essentiellement du portrait. C'est mon travail de prédilection, ce qui m'est le plus plaisant.

 

Comment préparez-vous un portrait ?

YP : Je prépare beaucoup. Mes portraits sont très mis en scène, très éclairés. En amont, je fais des croquis. Mon souhait est que l'on arrive à deviner qui est la personne, sans savoir de qui il s'agit. Je dirais aussi que je fais les portraits pour moi : le fond de mon envie, c'est de regarder et faire grandir ma collection de petites images de l'enfance...
Je mets aussi en place des séries, avec du sens. Par exemple, j'ai réalisé une série de portraits d'artistes-illustrateurs, en leur proposant de mettre un carton devant une moitié de leur visage, et de dessiner cette partie cachée. Ça permet de montrer leur univers graphique, et de leur offrir un espace d'amusement dans lequel ils peuvent s'exprimer.

 

Quelle liberté vous offrez-vous dans la commande ?

YP : Je me souviens d'une commande particulière : le portrait d'une ministre de la Culture. En arrivant sur place, son attaché de presse m'indique un lieu, une salle avec un piano. Il me précise que la ministre arrive en robe de soirée... Et là, je me dis que je n'ai pas envie de renvoyer cette image de la culture. Alors, je négocie : je fais la photo demandée, mais je propose aussi d'en faire une autre, à ma manière. Je sais d'avance que c'est celle-ci que je diffuserai... Photographe, c'est aussi être un peu caméléon, savoir s'adapter à tous les milieux sans perdre le fil de ce que tu veux.

3 questions à Céline Chanas, directrice du Musée de Bretagne

Pourquoi avez-vous décidé de placer des photographies dans le parcours permanent du Musée ?
Les collections photographiques sont un des trésors du musée, à tous les sens du terme. Elles sont quantitativement très importantes, pas loin de 700 000 sans doute avec le chantier de comptage et de numérisation qui progresse ; elles sont aussi de grande qualité et racontent une histoire de la Bretagne, celles des Bretonnes et des Bretons. Et pourtant, on en voit très peu dans le parcours permanent !
Après un premier accrochage du travail de Stéphane Lavoué, nous avons décidé de poursuivre ce principe de donner à voir de la photographie, en permanence dans le musée. Et donc, cela peut prendre différentes formes.


Pourquoi avoir choisi le travail de Yann Peucat ?
Yann Peucat entretient une relation de longue date avec le Musée de Bretagne, et les Champs Libres en général. C'est un lieu qu'il fréquente, qu'il apprécie et depuis le lancement du portail des collections du musée en 2017 où nous l'avions sollicité pour la création de GIF animés – un ton drôle et décalé - à partir des collections patrimoniales, une relation complice a grandi.
En 2021, au sortir du COVID, j'avais découvert son exposition et projet de "Bretagne fantastique" au  Marché noir de Rennes : en explorant nos collections, il recréait de nouvelles images, jouant par la sérigraphie de la superposition des couleurs, de détournements aussi pour arriver à des résultats parfois surprenants. Cette approche très créative et fictionnelle nous a séduit par sa capacité à produire de nouveaux récits ; en même temps, elle était très concrète : la sérigraphie permet des ateliers pour les familles, les enfants…C'est ainsi que l'invitation s'est faite de manière presque naturelle, avec une résidence d'expérimentation qui a commencé en 2022…pour aller jusqu'à l'exposition qui ouvre prochainement. La production en sera très légère, mais le résultat devrait surprendre et éveiller la curiosité.


Avez-vous d'autres projets au Musée de Bretagne pour surprendre les visiteurs, les inviter à poser un nouveau regard sur les collections ?
Les projets pour la suite ne sont pas complètement posés, l'idée est aussi de se laisser porter par les rencontres, les opportunités et les liens avec les fonds patrimoniaux. L'idée d'inviter  des artistes  pour aller à la rencontre de nos fonds pour y puiser de l'inspiration, recréer nous plait bien et illustre la philosophie de notre nouveau label "culture libre". Mais il y a d'autres voies à explorer aussi : en 2024, nous profiterons des expositions autour du grand photographe Raymond Depardon pour accrocher des images de sa série sur le monde rural au cœur du parcours.

Naviguer par sujets

Flux RSS

Abonnez-vous au flux RSS de la rubrique "À lire" pour être avertis des derniers articles.

Parcourir tous les flux RSS